Meilleurs albums de 2018 : les choix de la rédaction
Quelle belle année musicale se termine! Évidemment, nous ne pouvions conclure 2018 sans vous offrir notre humble «top» d’albums de l’année. Voici ce qui nous a fait vibrer en 2018.
Les choix d’
Olivier Boisvert-Magnen
Richard Séguin
Retour à Walden
Inspiré par le roman Walden ou la Vie dans les bois, une réflexion naturaliste du philosophe américain Henry David Thoreau écrite en 1854, cet album concept de Richard Séguin est probablement son œuvre la plus politisée en carrière. Magnifié par les voix de Jorane, Élage Diouf et Normand D’Amour, Retour à Walden est à la fois un ouvrage important en cette période de catastrophe climatique et une œuvre d’une finesse exemplaire, écrite et composée par l’un des plus grands monuments de notre chanson.
Obia le chef
Soufflette
Grâce à ce premier album solo en carrière, Obia le chef s’impose comme l’un des rappeurs les plus talentueux et pertinents au Québec. Alternant avec un parfait équilibre entre flow chanté à la mode et débit stoïque réglé au quart de tour, le vétéran montre à tous ses pairs qu’on peut adopter les tendances trap du moment sans verser dans l’insipide exercice de style.
DJ Muggs & Roc Marciano
Kaos
À 40 ans, Roc Marciano traverse sa période la plus foisonnante en carrière. Sur Kaos, l’un des quatre albums qu’il a fait paraître cette année, le rappeur new-yorkais dégaine ses rimes les plus brutes sur des productions de DJ Muggs, producteur émérite et membre de l’iconique formation Cypress Hill. Dénicheur invétéré d’échantillons de jazz et de soul, Muggs trouve en Marciano son bras droit de prédilection pour élaborer un opus cru au minimalisme brillant.
Earl Sweatshirt
Some Rap Songs
Révélé au sein de l’irrévérencieux collectif OFWGKTA, Earl Sweatshirt en a perdu plus d’un avec I Don’t Like Shit, I Don’t Go Outside, un deuxième album solo aux productions froides, dépourvues de mélodies accrocheuses. Trois ans plus tard, le rappeur et producteur de 24 ans propose un opus un peu plus lumineux, mais tout aussi introspectif et expérimental, dans lequel il se confie sans réserve sur les épisodes dépressifs qui ont marqué ses dernières années. Un tour de force.
Kacey Musgraves
Golden Hour
Sur une scène country américaine conservatrice, Kacey Musgraves ne cesse de se démarquer avec une proposition unique, notamment caractérisée par des textes progressistes qui remettent en question les stéréotypes qui criblent encore trop le genre. Sur Golden Hour, l’auteure-compositrice-interprète de 30 ans montre une fois de plus qu’elle a le talent, l’instinct et l’inspiration pour sortir des sentiers battus en livrant un irrésistible album country pop aux accents soul et indie folk.
Les choix de
Catherine Genest
Les Louanges
La nuit est une panthère
Vincent Roberge est revenu à ce qu’il fait de mieux, à cet alliage de jazz et de pop dont bien peu maîtrisent les codes. Plutôt que de se confiner aux sonorités «indie rock Francouvertes» de son second EP, la Lévisien a osé ouvrir ses horizons, voir au-delà de la recette franco québ testée et éprouvée cent fois. Son disque puise ses inspirations du R&B façon Frank Ocean, du rap d’ici et d’ailleurs, du renouveau funk. Hautement rafraîchissant!
Leon Bridges
Good Thing
Vocaliste de grand talent et compositeur érudit, Leon Bridges met la soul à sa main sur cet album de grande qualité. Un sans faute, rien de moins, une production richement orchestrée qui explore les multiples facettes du genre. Moins Motown que son effort précédent, Good Things va même jusqu’à oser un flirt funky sur If It Feels Good (Then It’s Must Be) et You Don’t Know. Mes préférées.
Coeur de pirate
En cas de tempête ce jardin sera fermé
Que de chemin parcouru en une décennie, depuis la sortie de son premier bouquet de chansons! Plus que jamais, Béatrice Martin joue du verbe avec une classe et une sensibilité déconcertante. Cette quatrième offrande studio vient assurément sécuriser sa place au firmament des auteures-compositrices-interprètes les plus marquantes de la vaste francophonie.
Feu! Chatterton
L’oiseleur
C’est un opus qui se déguste lentement et auquel on reviendra assurément dans les années à venir. Arthur Teboul s’y révèle plus théâtral et charismatique que jamais, habité de ces textes infiniment poétiques et cinématographiques. Un grand cru enjolivé de cordes, d’une instrumentation luxuriante mais jamais pompeuse. On pense à Dutronc, à Gainsbourg, à Barbara… Le groupe incarne, pour moi, l’image même de la Française et sans jamais avoir à sortir les accordéons.
Hubert Lenoir
Darlène
Un tel palmarès n’aurait pu être envisageable sans une apparition de l’enfant terrible de la Brasse-Ville, cet artiste génial et à la voix très juste qui a su amalgamer une myriade d’inspirations musicales: le jazz, le funk (Ton hôtel), les musiques cubaines, le rock et la chanson de chez nous. Un disque déjà très solide qu’il défend avec ardeur peu sur les scènes du Québec et même de France. Vivement la suite!
Les choix de
Valérie Thérien
Tom Misch
Geography
J’ai laissé à de chères amies mes billets pour son show à Montréal le 1er mai parce que j’étais trop fatiguée. Quelle bourde! J’ai manqué de voir live un des albums qui m’a fait le plus vibrer cette année. Le jeune Britannique de 23 ans a un talent, une confiance et une nonchalance inébranlables. Pas surprenant que De La Soul et GoldLink ont voulu collaborer avec lui sur ce premier album. Tom Misch est un talentueux guitariste jazz qui marie à sa musique du R&B, du hip-hop et un peu d’électro. Tout à fait charmant et parfaitement groovy. Il a aussi choisi de reprendre la chanson Man Like You de Patrick Watson sur Geography. Reviens vite, Tom!
Dave Chose
Dave Chose
On le connaissait peu ou très peu avant qu’il se dévoile sur son premier album lancé chez Bonsound au printemps. Le coup de coeur pour moi a été immédiat. Ça me pogne toujours en dedans quand les choses sont dites simplement, mais, qu’au final, elles en disent beaucoup plus long. C’est un talent rare. Le rock psychédélique du Saguenéen mélange aussi le folk au grunge et se prend aussi bien sur disque que sur scène. Entretien avec Dave Chose.
Angèle
Brol
La carrière de la jeune Belge de 23 ans a explosé cette année. Une plume acerbe, une voix assurée, des musiques pop et électro accessibles, c’est la recette d’Angèle. Son premier album sorti cet automne, Brol, sur lequel on l’entend en duo avec son frère rappeur Roméo Elvis, convainc par sa fraîcheur. Et ne cherchez pas de magicien réalisateur derrière cet album. Angèle signe la majorité des paroles et musiques. Son succès est bien le sien.
Shame
Songs of Praise
Cette bande de joyeux lurons britanniques nous a donné toute une claque en début d’année avec ce premier album complet. Tenez-vous bien parce que le post-punk du quintette dégage quelque chose de rare. Le leader Charlie Steen est un interprète fou furieux et les musiques sont brutales et sans répit. Sur le titre d’ouverture, Dust on Trial, on entend une alarme sonner. Voilà, vous n’avez qu’à bien vous tenir. Ce n’est qu’un début pour Shame et les gars sont habités par une énergie destructrice.
Jeremy Dutcher
Wolastoqiyik Lintuwakonawa
Je suis arrivée un peu en retard au party, mais dès ma première écoute de cet album magnifique, j’étais conquise. Ne serait-ce que pour la valeur sociale des chansons, ceci est une oeuvre fascinante. Le chanteur ténor et compositeur canadien puise dans les mélodies traditionnelles de sa nation Wolastoq (Nouveau-Brunswick) pour s’inspirer. Très heureuse de sa victoire au prix Polaris cette année. Mérité.
Les choix d’
Antoine Bordeleau
Kiefer
Happysad
Issu d’une famille à la culture musicale riche, le beatmaker et pianiste angelin Kiefer nous a livré cette année un second opus qui flotte très, très haut au-dessus de la mêlée de ce qui se fait dans les cercles combinant l’alt-rap et le jazz moderne. En plus d’y retrouver toute la fougue instinctive du pianiste, on peut y entendre des collaborations éclatantes avec Kaytranada, Jonah Levine et Paul Castelluzzo qui viennent sublimer l’essence déjà riche contenue dans les harmonies et les arrangements inventifs de Kiefer. Avec Happysad, ce dernier rejoint assurément les rangs de la A-Team des musiciens issus de LA Beat Scene.
Kikagayu Moyo
Masana Temples
Le psych-rock japonais vit un véritable âge d’or, et force est d’admettre que le quintette tokyoïte Kikagayu Moyo est l’un de ses plus talentueux ambassadeurs. Le nom du groupe, signifiant «motifs géométriques», colle à merveille à sa plus récente offre. Changements de tempo inattendus, formes complexes et textures variées tapissent l’excellent Masana Temples comme autant de motifs psychédéliques, se fondant les uns dans les autres pour former un tout à la fois dense, captivant et paisible. Un album parfait tout autant pour les longues journées flemmardes que les soirées arrosées; un équilibre zen dont peu de groupes peuvent se targuer!
Kamaal Williams
The Return
Après la dissolution de son projet précédent (Yussef Kamaal), Kamaal Williams est revenu (sans mauvais jeu de mot) avec un disque éclatant cette année: The Return. Avec un UK jazz des plus soyeux, groovy et virtuose sans être frimeur, Kamaal est venu cimenter sa place au sein de la scène londonienne florissante. Dès les premières notes de Rhodes noyé dans le vibrato qui ouvrent le disque, on sait qu’on est en route pour un voyage où le funk et le jazz s’entremêlent comme sur les meilleures explorations d’Herbie Hancock. Les synthétiseurs et la basse sont tout particulièrement à l’honneur sur The Return, livrant des lignes mémorables qui nous font déjà attendre de pied ferme la prochaine sortie signée Kamaal Williams.
Duu
Contre-cycles
Le multi-instrumentiste Étienne Dupré, que l’on peut voir sur scène et en studio avec entre autres Klô Pelgag, zouz et Mon Doux Saigneur, a livré en 2018 un tout premier EP solo à la fois surprenant et cohérent avec sa longue démarche au sein de nombreuses formations. À mi-chemin entre chanson folk, indie rock et rock plus expérimental, Contre-cycles est une oeuvre extrêmement personnelle et inventive pour Duu. Voix éthérées, guitares claires et harmonies surprenantes s’y marient à merveille. Un ovni québécois qui a d’ailleurs remporté le prix du EP indie rock de l’année tout récemment au GAMIQ, une récompense plus que méritée.
Ponctuation
Mon herbier du monde entier
Bien que la formation garage et psych rock n’avait plus de preuves à faire, Ponctuation a réussi à nous épater avec sons plus récent opus. Des mots de Guillaume Chiasson à ses arrangements inventifs en passant par les timbres vintages qui peuplent l’album, c’est un véritable tour de force qu’est Mon herbier du monde entier. Un disque plus abouti, plus réfléchi et plus surprenant que ses dernières offres, il s’inscrit toutefois très bien dans la discographie du groupe, maintenant le même ton mais l’amenant une coche au-dessus. Un disque à écouter le volume dans le tapis, tout particulièrement lors d’un long road trip.
Les choix de
Nos collaborateurs
OCNA/Alexander Shelley, Alain Lefèvre
Aux frontières de nos rêves
«Le concerto met en vedette un Alain Lefèvre extatique, qui traverse ces 44 minutes hallucinées avec du génie au bout de chaque doigt. Alexander Shelley est tout aussi remarquable devant l’Orchestre du Centre national des Arts, équilibrant les dynamiques avec une maîtrise parfaite. Boudreau et Lefèvre transposent la poésie de Gauvreau dans un néo-romantisme aux couleurs fulgurantes.»
– Réjean Beaucage
OktoÉcho
Saimaniq
«Parmi nous: Lydia Etok et Nina Segalowitz, spécialistes aguerries du katajjaq (chant de gorge inuit). On a mis aussi des flûtes et du vrai oud moyen-oriental, en plus du fabuleux percussionniste Bertil Schulrabe. Le résultat est fascinant. Aux confins des déserts de glace et de sables infinis, on explore avec des humains des espaces vierges et lointains. Voici un premier album créatif et marquant. Littéralement inouï.»
– Ralph Boncy
Jon Hopkins
Singularity
«Deux mondes, aux musiques parfois improvisées, s’affrontent et cohabitent avec grâce. La complémentarité et l’unicité de Singularity résident donc plus dans son ensemble que dans l’étude de chacune des neuf pièces.»
– Patrick Baillargeon
«Deux des trois recrues, le chanteur Pepe Poliquin (Endast) et le batteur Samuel Santiago (Gorod, First Fragment), livrent la marchandise avec célérité sur l’album thrashcore métal qui comprend la collaboration de Jason Rockman (Slaves on Dope) sur le morceau rap métal Fight. Un retour percutant qui plaira aux fans de Lamb of God, DevilDriver.»
– Christine Fortier
Delgres
Mo Jodi
«Delgres, ce héros, est aujourd’hui réincarné dans Pascal Danaë, chanteur guadeloupéen à la mine patibulaire, armé seulement d’une guitare slide abrasive et flanqué de deux peurs de rien avec une caisse claire et un tuba. Ce blues-rock primal mais jamais grotesque, monotone et captivant comme les musiques targuies, est chanté tour à tour en créole et en anglais et met bien le doigt sur les bobos.»
– Ralph Boncy
Bodega
Endless Scroll
«Issus pour la plupart du milieu de l’art et du cinéma avant-gardiste new-yorkais, les trois filles et deux gars de Bodega balancent un solide mélange de post-punk angulaire et d’avant-pop vitaminée sur ce premier effort. Si les Bodega ne font pas mouche à tous coups, ils signent là un des albums les plus significatifs à être paru cette année.»
– Patrick Baillargeon
Catrin Finch & Seckou Keita
Soar
«Ils se retrouvent donc à Barcelone pour graver ce bijou; sans contrainte aucune, sans restriction. La harpe ouest-africaine rencontre ici sa grande sœur, la harpe celtique. Livrées aux mains magiques d’un couple de musiciens inspirés, peu préoccupés par la virtuosité individuelle mais plutôt par l’harmonie et la complémentarité entre leurs instruments respectifs.»
– Ralph Boncy
Augury
Illusive Golden Age
«Le ruissellement de notes, les enchaînements rythmiques et les variations d’intensité métallique qui ponctuent les huit morceaux d’Illusive Golden Age illustrent à merveille le côté cérébral du métal d’Augury. Un troisième disque qui nous tient en haleine du début à la fin.»
– Christine Fortier
Brenda Navarrete
Mi Mundo
«Il y a de ces albums explosifs qu’on écoute, début février, et dont on sait d’instinct qu’ils seront encore parmi nos favoris au moment du bilan de l’année. À la fois très roots et très jazz, sensuelle, mystique et gouailleuse aussi, la musique qu’elle nous propose dans ce premier opus solo est récupérée en partie du répertoire d’Interactivo, un groupe majoritairement féminin dont elle était la figure de proue.»
– Ralph Boncy
René Lussier Quintette
René Lussier Quintette
«En concert, le groupe a énormément gagné en cohérence depuis son premier concert au FIMAV en 2017, mais sur disque, c’est encore 10 fois mieux. Côté son, d’abord, parce que le compositeur s’est offert un ensemble qui a de la texture à revendre et que le mixage des deux batteries est parfait. Et puis pour entendre des solos de guitare groovy comme il se retient trop souvent d’en faire.»
– Réjean Beaucage
Michael Gordon et Kronos Quartet
Clouded Yellow
«Dans The Sad Park (2006), à propos du 11 septembre 2001, le quatuor est accompagné de voix d’enfants complètement déconstruites électroniquement, tandis que dans Exalted (2010), c’est un véritable chœur qui mêle ses glissandi à ceux des musiciens. Clouded Yellow, entièrement acoustique, est légère comme le papillon auquel son titre fait référence. Magnifique.»
– Réjean Beaucage
Autres mentions
- Alaclair Ensemble – Le sens des paroles
- Palatine – Grand paon de nuit
- Nils Frahm – All Melody
- Cat Power – Wanderer
- La Force – La Force
- Jonathan Bree – Sleepwalking
- Lydia Képinski – Premier juin
- Jesuslesfilles – Daniel
- Rejoicer – Energy Dreams
- Mndsgn – Snax
- Helena Deland – From the Series of Songs “Altogether Unaccompanied” Vol I & II
- Khruangbin – Con Todo El Mundo
- Clara Luciani – Sainte Victoire
- Jean-Michel Blais – Dans ma main
- Simon Laganière – Samedi soir de semaine
- John Coltrane – Both Directions at Once: The Lost Album
- The Mattson 2 – Play “A Love Supreme”
- Blood Orange – Negro Swan
- Salomé Leclerc – Les choses extérieures
- Anderson .Paak – Oxnard
- Chastity – Death Lust
- Alpha Wann – Une main lave l’autre