Rap local : K.Maro, de ringard à «back to cool»
Fondateur et directeur de l’étiquette E.47 Records, le rappeur libano-franco-québécois K.Maro revient à Montréal, là où tout a commencé pour lui, le temps d’un concert anniversaire pour souligner les 15 ans de son mégasuccès Femme Like U.
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
Femme Like U a été un énorme succès en France, cumulant près de cinq millions de singles vendus. Comment trouves-tu que ce tube a vieilli?
C’est particulier… J’ai l’impression qu’il a un peu traversé le temps, car il su toucher les gens d’une jeune génération, qui ont connu le titre par l’entremise de leurs parents. Mais ce que je remarque d’encore plus particulier, c’est que le titre a surtout fonctionné en région après sa sortie, avant de connaitre, tout récemment, un regain de popularité dans les grandes villes comme Paris ou Montréal. J’y vois un cycle complété : après le gros succès, il a été perçu comme quelque chose de ringard ou de kitsch et, maintenant, il est back to cool grâce à l’apport d’une nouvelle génération.
Es-tu surpris de cette évolution?
Oui. La plupart des chansons qui ont un énorme succès comme ça ne traversent pas nécessairement le temps. Il n’y a pas de raisons concrètes pour expliquer ça, mais en tant que producteur, c’est quelque chose que je remarque souvent. Tout ce qui se passe ensuite est mystérieux, et c’est le public qui choisit en fin de compte.
Pourquoi avoir attendu le 16e anniversaire de la chanson pour en célébrer son 15e? Problèmes logistiques?
La demande du public a été très forte, et on a dû improviser beaucoup de choses à la dernière minute pour pouvoir célébrer cet anniversaire. On m’avait proposé de célébrer le 10e il y a cinq ans, mais j’étais trop pris dans mes activités de producteur pour me lancer dans l’aventure. Bref, je ne me sentais pas prêt. Puis, l’an dernier, j’ai décidé d’être plus attentif aux demandes des gens. J’étais beaucoup plus en paix avec ma carrière musicale aussi. J’ai voulu redonner aux gens qui m’ont toujours soutenu, en offrant ces spectacles. En octobre, on a fait un sold-out au Palais de Tokyo à Paris, puis on a répété l’expérience à l’Élysée Montmartre il y a quelques jours. Et, là, c’est au tour de Montréal.
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Es-tu fébrile? Ça fait combien de temps que tu n’a pas fait de spectacle ici?
Ça fait plus de 10 ans… Eh oui, je suis très fébrile, d’autant plus que le spectacle est quasiment sold-out. Mes premières expériences à Paris ont été géniales, mais là, c’est différent, car c’est un retour à la maison pour moi. Tout a commencé ici musicalement, et mon attachement à la ville est très particulier, notamment car ma famille habite ici. Même durant les années où j’étais absent du devant de la scène, je continuais à venir constamment ici pour voir ce qui se passait de bon.
Ta nouvelle étiquette E.47 Records est d’ailleurs implantée à Montréal, et aussi à Paris, Los Angeles et Londres. Est-ce la suite logique de ton ancienne étiquette KPone?
Oui, sauf que c’est beaucoup plus large. Nous ne sommes pas juste une étiquette de disques, mais aussi une boite de management, une boite de touring… On offre vraiment tous les services, et la seule chose qu’on ne fait pas, c’est la distribution, qui est assurée par Universal dans le monde et Québecor au Québec. Et on est 100% indépendant, alors que KPone a été racheté par Warner Music en 2010.
Qu’as-tu fait entre la fin de KPone et le début d’E.47?
J’ai travaillé dans les majors en tant que consultant pendant 6-7 ans. Puis, à un certain moment, j’ai senti que j’étais prêt pour devenir un joueur important dans l’industrie de la musique, après y avoir travaillé pendant près de 16 ans, en comptant mes 10 ans avec KPone. Je suis un joueur indépendant avec une ambition internationale.
Jusqu’à maintenant, les artistes signés sous E.47 ont des horizons musicaux très différents. On passe de la chanteuse pop/R&B française Shy’m au groupe hip-hop montréalais très champ gauche THe LYONZ. Quelle est votre ligne directrice?
Je choisis les artistes avant les projets. Je suis très inspiré par la philosophie de Jimmy lovine d’Interscope. Au lieu de se renfermer dans une boite rock, rap ou électro, il a juste choisi de faire confiance à des artistes sincères et originaux. Personnellement, je peux autant m’exciter devant un projet pop qu’un autre très indie. D’ailleurs, je trouve ça dommage que l’esprit indie soit uniquement associé au rap ou au rock underground. Je crois qu’on peut faire de la musique pop, en restant indie, en gardant cette mentalité anarchiste et DIY, et en protégeant la liberté des artistes.
Plus de deux décennies après avoir marqué l’histoire du rap québécois avec [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=y9RVCCPVSA8″]LMDS[/youtube], duo que tu menais avec Vaï, comment vois-tu l’évolution de notre scène?
Je crois qu’il y a eu une traversée du désert à un moment donné, entre notre époque à nous, celle des LMDS, Dubmatique et Muzion, et ce qui se passe depuis 5-6 ans. Et, là, je vois qu’on a repris la main face à Toronto et que, plus que jamais, Montréal est extrêmement cool, autant dans la musique que dans le street art et le lifestyle. L’explosion de Loud a créé un pont entre la culture populaire et le rap. C’est un peu ce qu’on avait initié à l’époque, mais malheureusement, nous n’avions pas de marché porteur.
K-maro – Le concert anniversaire – Olympia de Montréal, 7 mars (20h)
La nouvelle de la semaine //
Deux artistes hip-hop ont raflé les honneurs dimanche dernier au Gala Dynastie, qui souligne annuellement l’excellence de la communauté noire québécoise. Devant une féroce compétition (qui comprenait notamment Obia le chef, Sarahmée, Dramatik et Dominique Fils-Aimé), Lost et Naya Ali ont respectivement gagné dans les catégories de l’artiste francophone et de l’artiste anglophone de l’année. Pour cette dernière, la victoire tombe tout particulièrement à point, car elle coïncide avec l’annonce de la sortie de son premier album tant attendu. Intitulé Godspeed: Baptism, cet album paraitra en deux parties, et la première, Prelude, sera disponible le 20 mars sous Coyote Records.
Le projet de la semaine //
Avec son premier album, Maky Lavender amène un vent de fraicheur à la scène rap montréalaise. Fort d’une direction musicale hétéroclite et visionnaire, qui évoque l’univers éclaté des Vince Staples, Tyler, The Creator et autres rappeurs américains défiant le règne trap actuel, le Montréalais évoque avec sincérité des passages difficiles et pas toujours reluisants de son passage à l’âge adulte. En milieu de parcours, la pièce Bloom saisit avec son rythme downtempo et son ambiance vaporeuse, en phase avec le texte obscur et embrumé du rappeur. La barre est placée bien haute pour le titre de l’album rap québécois de l’année.
Mention à J’ai scié John Truth des rappeurs Jay Sea et John Truth (remarquez le jeu de mots avec le titre…) en collaboration avec les producteurs Badmninto et Maxtone. Issus du collectif à géométrie variable DelicatesSound, les quatre artistes montréalais laissent ici libre cours à leur folie et leur créativité, sans jamais chercher à plaire à un public précis ou à s’inscrire dans un sous-genre particulier. En résulte un EP trap expérimental, qui ne ressemble à rien d’autre. Lancement à l’Esco ce lundi 9 mars.
La chanson de la semaine //
Anachnid, autrice-compositrice-interprète oji-crie micmaque basée à Montréal, brise les barrières entre les genres et les cultures sur Windigo, pièce rap à la basse lourde/saturée et au rythme frappant, créé en partie avec les bruits émanant d’une jingle dress, une tenue de pow-wow traditionnelle pour femmes autochtones. Produite aux côtés de ses collaborateurs Ashlan Phoenix Grey et Emmanuel Alias, la chanson est menée par le flow tranché d’Anachnid, qui rappelle celui de M.I.A. dans ses élans plus posés et monotones.
Mention à la captivante et accrocheuse About Us de Joey Sherrett, chanteur/rappeur qu’on a découvert comme producteur pour The Posterz il y a plusieurs années.
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L’instru de la semaine //
Deux producteurs montréalais s’illustrent : blinkinfossils avec la longue pièce lo-fi rap/ambient buoyancy et SmokedBeat avec la jazzy rap au rythme déréglé Serenity.
Le clip de la semaine //
Jean-François Sauvé signe un clip en noir et blanc au montage effréné et très habile pour My Life de Brown Family.
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Les spectacles à VOIR //
Quatre mois après son lancement aux Foufounes électriques, Lary Kidd est de retour pour son premier spectacle solo au Club Soda. Obia le chef et David Lee assureront la première partie, tandis que Loud et 20Some ont été annoncés comme invités spéciaux.
Club Soda (Montréal), 6 mars (20h)
Dans le cadre du festival Filministes, DJ Kelly du duo de DJs RapMommies invite Audrey Bélanger (ex-Bad Nylon) et Sarahmée pour cette soirée qui mélange rap et R&B.
Ausgang Plaza (Montréal), 7 mars (22h)
Soir 4 des préliminaires | Francouvertes 2020
Trois artistes hip-hop se produiront à la quatrième soirée des préliminaires des Francouvertes ce lundi : Petite Papa, Dope.gng et Vendou. Plus de détails.
Lion d’or (Montréal), 9 mars (20h)