Vulgaires Machins : Le feu sacré
Six ans après l’annonce d’une «pause indéterminée», Vulgaires Machins repart la machine pour une série de spectacles extérieurs au Québec. Désirant reprendre le contact avec son public avant de (possiblement) retourner en studio, le groupe emblématique du punk québécois a toujours le feu sacré.
Voir : En six ans, on vous a vus une seule fois sur scène, et c’était au Rockfest de Montebello en 2016. Est-ce précisément ce spectacle qui vous a donné envie de revenir sur les planches?
Maxime Beauregard: Oui! Le Rockfest nous avait fait vraiment tripper. C’était beaucoup de job pour un seul show, mais on était tous super contents.
Marie-Eve Roy: Ça a été comme le test. On voulait voir si on pouvait encore avoir du fun. Quand on a pris notre pause, on en avait vraiment besoin. Personnellement, j’avais besoin d’écrire de la musique douce, de me sortir des Vulgaires. Mais là, après quelques années sans rock, j’ai voulu voir si l’appel était encore là. Et, pour vrai, de se retrouver nous trois avec Pat Sayer à la batterie, ça a fait vraiment du bien. On a retrouvé notre chimie après être allés prendre l’air.
Guillaume Beauregard: C’était ça qui était le plus important, car si le plaisir est pas là, on le ferait jamais pour l’argent. Le Rockfest, c’est peut-être le show où j’ai eu le plus de fun dans ma vie. Je me rappelle avoir eu un sourire scotché dans la face et de pas pouvoir me l’enlever. En sortant de scène, on s’est dit: «On refait des shows!»
Et pourquoi ça a pris trois ans finalement?
G. B.: Beaucoup de raisons personnelles. Marie et moi, on a fait des albums et on a eu un autre enfant entre-temps. On a sérieusement jasé de notre retour l’été passé, mais c’était trop dernière minute pour lancer une tournée.
M.-E. R.: Avec le bébé naissant, on avait pas trop la tête à recommencer à faire des shows…
M. B.: Ça nous prenait le bon timing!
Dans une entrevue que tu nous as accordée en 2014, Guillaume, tu disais que tu avais besoin de te renouveler et que c’était en partie ce qui justifiait la pause du groupe. Maintenant que tu as emprunté d’autres avenues sur tes deux albums solos, te sens-tu prêt pour renouer avec le punk?
G. B.: Je vois ça comme un continuum. En explorant différentes affaires en solo, ça m’a permis de prendre du recul sur ce qu’étaient les Vulgaires. Tranquillement, ça ouvre la discussion sur la possibilité qu’on refasse de la nouvelle musique ensemble.
M.-E. R.: On veut que les shows nous ouvrent l’esprit, mais on veut pas non plus en faire mille et rentrer dans le cliché du groupe nostalgique. Avant de repartir officiellement le groupe avec du nouveau matériel, on doit trouver une façon de se renouveler.
Mais quand même, votre style évoluait à chaque album. Avec Compter les corps et Requiem pour les sourds, vous avez réussi à vous éloigner de l’approche punk juvénile de vos débuts grâce à des textes plus avisés et un mix plus rigoureux. Et votre dernier album acoustique montrait une tout autre facette de votre répertoire, plus douce et mélodique…
M.-E. R.: En effet, mais le problème, c’est qu’après tout ça, on ne savait plus du tout comment et de quelle façon évoluer. On voulait éviter de faire un autre Requiem, et c’est vers ça qu’on s’en allait.
G. B.: En écrivant Requiem, je sentais que j’avais de moins en moins de portes à ouvrir. J’étais plus du tout inspiré par cette démarche-là. Mais, dans la vie, y a des boucles… Fallait vivre autre chose pour commencer un nouveau cycle.
M. B.: On sentait qu’on saturait, mais en même temps, Requiem, je le vois comme un aboutissement. On était rendus des pros! Là, on était capables de faire des bonnes tounes. (rires)
Pour l’instant, qu’est-ce que ça vous fait de jouer la game de la nostalgie? On s’entend qu’un festival comme le Montebello Rock mise essentiellement sur ce sentiment-là auprès de ses festivaliers…
M. B.: C’est vrai que c’est bien souvent des hasbeens dans la programmation…
G. B.: Y a quand même des bands dans ces festivals-là qui continuent de faire de la musique activement, mais c’est vrai que le public est là pour entendre les classiques. La question qu’on se pose à travers tout ça, c’est: «Comment on fait pour rester pertinents et ne pas juste attirer du monde pour des raisons nostalgiques?» C’est paradoxal de se demander ça avec nos shows qui s’en viennent, mais notre réflexion est entamée.
Est-ce que le côté folk introspectif de vos albums solos, à toi et Marie-Eve, pourrait nourrir vos prochaines chansons? Est-ce que ce genre d’univers plus personnel peut cohabiter avec celui des Vulgaires?
G. B.: Je pense que oui, dans une certaine mesure. Pour qu’une chanson soit bonne, elle doit être sincère, universelle. Forcer un texte engagé parce qu’on se doit de respecter la nature du band, ça nous tente pas.
M.-E. R.: Nos albums nous ont vraiment nourris. Et nos enfants aussi! Ça ouvre plein de nouvelles perspectives.
M. B.: On change quand on devient parent.
Malgré tous ces changements, sentez-vous encore le besoin de nommer et critiquer les injustices? Est-ce que les Vulgaires s’indignent encore?
G. B.: Oui, plus que jamais. C’est juste comment on canalise notre indignation qui change. Avec les Vulgaires, on l’a beaucoup canalisée par la colère et, à nos débuts, un peu par l’humour. Maintenant, mon indignation se canalise plus dans une sorte de tristesse et, parfois, dans un certain fatalisme. Y a une partie de moi qui est pas capable de nier le fait qu’on est pas dans la bonne direction. Je suis pas original de voir la vie de même, mais le climat social et politique actuel me permet pas autre chose. J’ai de moins en moins la conviction qu’il y a une solution précise à tout ça. À 20 ans, je criais ma rage et mes opinions, et j’avais la conviction que c’était ça la solution pour que les choses changent. Avec la maturité, je comprends que tout est plus nuancé, complexe. Je cherche davantage à comprendre le monde plutôt que de foncer dans le tas.
M.-E. R.: Moi, je suis plus en colère qu’avant. Depuis que j’ai des enfants, je suis plus impatiente et je comprends pas pourquoi ça va plus vite en termes de changement social. C’est pour ça que ravoir les Vulgaires dans ma vie, ça me fait du bien.
Plus précisément, qu’est-ce qui vous indigne ces jours-ci?
M. B.: Moi, c’est le projet de loi sur la laïcité de l’État, que je commence à me rentrer profond dans le derrière. Je sais vraiment pas ce qu’ils s’attendent de faire avec ça, à part de la division…
M.-E. R.: Moi, c’est l’environnement. On a mis des enfants au monde, donc on a pas le choix de se battre pour ça. À force d’en parler, j’ai la conviction que les choses vont changer.
G. B.: La crainte, c’est toujours qu’on réagisse trop tard. Avec l’environnement, c’est encore plus crucial d’agir maintenant, car c’est pas juste des vies humaines qui sont en jeu, mais bien la santé de la planète. C’est total comme problème!
Et la montée de l’extrême droite ailleurs comme ici, ça vous inquiète?
G. B.: Comment ne pas être affecté par ça? Comment ne pas en avoir peur?
M.-E. R.: Quand je regarde ça, je constate le paradoxe qui nous entoure: on doit se dépêcher d’avancer, mais bien souvent, on dirait qu’on recule…
À l’aube de vos 25 ans de carrière, est-ce que vous sentez que votre musique a fait une différence? Est-ce que vous croyez avoir fait œuvre utile?
G. B.: Tout ça reste sur un terrain assez personnel. Je rencontre encore beaucoup de gens dans la rue qui me parlent de l’importance que le message et la philosophie de notre groupe ont eue sur leur vie. Ils me remercient de les avoir accompagnés dans leur colère. Avec le recul, je crois aussi qu’on a réussi à faire bien des choses sans trop s’en rendre compte. Je repense notamment à un show qu’on a fait au Métropolis, durant lequel on avait invité Muzion. Ça peut être difficile à concevoir maintenant, mais à l’époque, le rap était moins accepté, et ça avait créé un certain chaos. Autrement, je crois que notre choix de faire du punk rock mélodique en français a inspiré bien des jeunes. Quand on a commencé, la skate punk se faisait pas mal juste en anglais, et on se faisait dire que c’était bizarre de faire ça dans notre langue. Il y a quelques années, je parlais à Hugo Mudie des Sainte Catherines, et il m’a avoué que ça lui avait pris 20 ans pour comprendre que la musique en français, ça pouvait être bon.
M. B.: On s’est toujours donné beaucoup de liberté musicalement et on s’est jamais gêné pour essayer des affaires. On a toujours été trop heavy pour la pop et trop pop pour les groupes heavy. Je me rappelle qu’on était souvent le band le plus smooth de la gang quand on partait dans des grosses tournées.
Parlant de votre héritage, on doit aussi souligner l’apport et l’influence de Marie-Eve, l’une des rares femmes de la scène punk…
M.-E. R.: Oui! Au début, j’étais instantanément perçue comme la fille qui faisait la merch. J’arrivais dans les salles, et les techniciens me disaient «Ouais, le kiosque de merch, il est au fond!» ou bien «T’es la blonde à qui, toi?».
G. B.: Pour nous, c’était juste naturel. Deux de nos deux bands fétiches, c’étaient Eric’s Trip et Pixies, qui comptaient aussi une femme dans leurs rangs. Y avait aussi les Secrétaires volantes qu’on aimait bien.
M. B.: Ça change plein d’affaires au niveau mélodique, une voix de fille avec une voix de gars. Ça donne une belle drive!
En terminant, comment comptez-vous souligner votre quart de siècle? Avec un nouvel album, peut-être?
M.-E. R.: On est lents, vraiment lents!
G. B.: Faut dire que, pour un band qui a existé autant d’années, juste cinq albums, c’est pas beaucoup. On est très lents, c’est vrai, mais en même temps, c’est peut-être ça, le secret du succès! (rires) Si tout va bien, on devrait annoncer un album en 2052.
M.-E. R.: Bonne idée, mais bon… On va-tu être encore vivants?
le 15 juin
au Montebello Rock
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le 18 juin
aux Francos de Montréal
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le 19 juillet
au Festif! de Baie-Saint-Paul
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le 20 juillet
au Festival des bières du monde de Saguenay
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le 9 août
au festival Osisko en lumière de Rouyn-Noranda
le 10 août
au festival Rock La Cauze de Victoriaville
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